Alterner pratique et théorie: faire autant signe que sens

Construit en aller-retour permanent, conjuguant travail de terrain et  temps d’éclairages théoriques, mon itinéraire entrelace la rigueur d’une formation initiale scientifique (maths-physique) et musicale (conservatoire), à la souplesse de formations complémentaires en sciences humaines et sociales (pédagogie, psychologie et sociologie) sans oublier un travail continu sur le mouvement (danses, voyages).

Dans cette perspective, j’accorde une importance toute particulière à l’équilibre de ce qui fait signe (ce qui est immédiatement et concrètement perceptible) avec ce qui fait sens (ce qui est de l’ordre d’une compréhension constructive et susceptible de générer un ajustement).

Trente ans de conduites de projets de développement local/territorial, culturels et sociaux ainsi que l’accompagnement de divers publics forgent mon expérience, servant d’ancrage à tout un processus et un dispositif réflexif, théorique et pratique.

Ce dispositif est construit sur une observation première qui peut être définie en ces termes : certains protagonistes ont besoin de s’autoriser à penser pour accueillir de nouvelles in-formations et initier des trans-formations quand d’autres gagnent à mettre en veille l’acte de raisonner pour recevoir les messages du corps. Ainsi, il semble possible d’agir en conscience et d’avoir le  choix de participer en partageant sa liberté.

Ce constat m’a conduit à envisager un travail et à construire des interventions avec l’intuition qu’il est important d’apprendre à penser pour guérir (guérir est à comprendre ici, dans le sens premier du terme : (se) défendre et (se) protéger pour (se) construire au plus près de la sérénité). Différents outils alimentent  cette méthode, permettant d’une part , d’améliorer les capacités d’apprentissage et de réflexivité ainsi que la « méditation » et  d’autre part conduisant à comprendre  l’importance de prendre soin de soi et des autres ( take care ).

Afin d’appréhender les situations aux plus près des réalités en jeu, sont mises à contribution différentes démarches.

Soutenir la Créativité

Susciter (et parfois accompagner) la créativité, qui selon Lev S.Vygoski psychologue social, est une aptitude qui sert « à rétablir le contact avec nos ressources intérieures, sans être effrayé(e) par notre imaginaire » et « à mettre à jour nos ressources les plus profondes et les plus méconnues », tout en ayant la possibilité de communiquer et d’échanger  avec le monde extérieur.

Dans l’ouvrage « Crise , Rupture et Dépassement», de René Kaès et al., Eliott Jaques , psychanalyste, donne des éclairages sur l’évolution de cette faculté commune à tous les êtres humains. Ainsi, l’auteur nous invite à cheminer entre créativité « rapide » et « sculptée » : l’une baignant « dans une forme de clivage » et l’autre, suite à l’élaboration voire la résolution d’une partie des fragilités existentielles (3), imprimant « une forme de sérénité à l’oeuvre et à la vie » .

Par ailleurs, la créativité résulte d’une addition personnelle et d’un entrelacs entre inné, acquis et plus encore. Fameux débat qui demande d’accepter d’entrer dans le monde de la complexité (dont les fractales sont des témoins visibles) et d’appréhender le rapport entre les disciplines en décelant les ponts qui les relient. Par conséquent, il devient possible de retrouver une dynamique de Reliance (4), une fois les  séparations séculaires consommées.

Ce cheminement conduit à accepter  que l’échange avec l’environnement au sens large du terme (ce qui est hors de soi), devient une composante de nos  créations (issue de la créativité),  car c’est bien en respirant (chercher l’air dehors) que la vie se développe.

  

Favoriser la Trans-disciplinarité et les démarches Ternaires

La trans-disciplinarité prônée par Basarab Nicolescu, physicien quantique , devient une posture de choix pour alimenter ce processus, en sachant que le préfixe « trans », désigne ce qui est à la fois

« entre, à travers et au-delà de toute discipline »(5). Ce recours aux pluri- et inter- disciplinarités, implique

« une reconnaissance de la singularité des situations avant de voir comment elles peuvent jouer ensemble ».

Enfin, les démarches Ternaires, procurent des outils pour développer et ancrer, les trois phases suivantes : Positionnement, Action et Ré-ajustement. Elles donnent de ce fait des racines aux interventions, stages ou consultations, afin que les vécus inhérents deviennent transférables à d’autres situations du quotidien.

Cette méthode de bon sens, ré-initiée et transmise par H. Trocmé-Fabre, sert de manière générale, les processus de maturation des projets collectifs comme des trajectoires individuelles.

Les trois temps, auxquels il est nécessaire d’accorder une égale attention. sont définis comme suit :

T-1: Etat des lieux, T: Déroulement et T+1: Bilan ( T désignant le temps de l’action elle-même)

1. (1)Intervention sociale: dans  l’ouvrage « Esprit Critique »,  vol.6, n°04, G. Bertin, docteur en sciences sociales, pointe l’ambivalence de l’expression. Mais dans ce domaine particulier, il s’agit bien pour celui qui « intervient » de le faire , dans la posture du médiateur, de l’assistant d’une situation qui appelle un soutien. Symboliquement , l’auteur évoque la figure mythologique d’Hermès, le médiateur qui montre le chemin et balise les espaces inconnus.
   

2. (2) Liminaire signifie qui est placé en tête d’ouvrage ou au début d’un discours (latin liminaris de limen-inis: seuil)
   

3. (3) Afin de développer cette notion de « fragilité », dans un contexte qui ne lui donne pas la signification de «  faiblesse » , se référer entre autres, à l’ouvrage suivant: « La Société de Verre », Pour une éthique de la fragilité , Corcuff Philippe, sociologue et philosophe
   

4. (4)La Reliance est un concept qui parle de lui-même certes, et qui a été défini plus précisément par Marcel Bolle de Bal, sociologue et psychosociologue
   

5. (5)Petit lexique des termes de la complexité élaboré par Serge Diebolt à partir des travaux de William
   

    Lapierre et Jean-Louis Lemoine